L'eau à Sfax (fin)

Après 1945 on vit, dans le ciel sfaxien, des avions bimoteurs DC3 (Dakota) traînant derrière eux un containeur de forme oblongue bourré de détecteurs et d’électronique, dans le but de trouver des gisements de pétrole.

En mars 1946, la Direction des Travaux Publics signalait que la conduite de Sbeïtla ne délivrait plus que 6 000 m
3/jour suite à son entartrage. En conséquence la distribution d’eau était coupée entre 15 et 18 heures puis de 22 à 5 heures. La présence de mines entre le bassin no 5 et Mekaner, entraîna l’arrêt des opérations de détartrage durant le temps que mirent les démineurs pour accomplir leur périlleux travail. Il fut même envisagé de remettre en marche l’installation de Sidi Salah.

Il faut signaler que les tests effectués mensuellement ont toujours montré la bonne qualité de l’eau de Sbeïtla.

En date du 17 janvier 1951, La Dépêche tunisienne titrait " Sous la morsure des fraises Rotary des Travaux Publics, de l’eau, source de futures richesses, a jailli dans la région de Sfax ". On y lisait que deux forages entrepris par la Société Tunisienne des sondages, injection et forages, le premier au km 2,5 et le second au km 4 sur la route de Triaga avaient permis la découverte entre 400 et 550 m de profondeur, d’une nappe d’une étendue de 50 000 ha, qui pouvait être utilisée par moitié sous forme de puits artésiens, et par pompage dans le reste du secteur. En fait le premier forage (Sfax RY 28) datait de novembre 1949 et était exploité à des fins industrielles par la SIAPE. Le deuxième (Sfax RY 45) fut achevé en juin 1950. La teneur totale en sels de cette eau, c'est-à-dire en résidus secs, était de 3,320 grammes, à l’extrême limite des eaux potables. Sa composition chimique était, en mg/l, : Ca 269 ; Mg 99 ; Na 278 ; Cl 1171 ; SO4 882 ; CO3 102 ; K 0, pour un Ph = 7,3.

Vers la fin de 1950, suite à un nouveau manque de pression dans la conduite venant de Sbeïtla, les services compétents furent amenés à utiliser l’eau du forage du km 4, dans une proportion qui de 25% initialement, atteignit jusqu’à 55%. A ce qu’il paraît que les Sfaxiens s’en rendirent compte au goût.

En date du 12 décembre 1950, l’ingénieur des TPE M. L. Berlou, disait que les 500 à 1800 m3 journaliers d’eau du puits artésien de la route de Triaga à prélever pour l’alimentation de Sfax pourraient être vendus de 8 à 12 francs le m3 , l’eau de Sbeïtla revenant à 27 francs le m3.

Parallèlement une étude agricole et économique avait été entreprise, dont l’ingénieur des Services Agricoles M. Pierre Parisot exposa le 28 décembre 1951 les conclusions qui en étaient : "  Les probabilités qui nous ont été communiquées par le service compétent des TP de Sfax au sujet du prix du m3 d’eau, montrent que la rentabilité du périmètre irrigué, exploités dans les conditions exposées dans l’étude, sera largement assurée pour des distances de Sfax allant jusqu’à 80 km. Elle sera difficile à obtenir pour les autres cas. Cependant les marges de sécurité que nous avons prises permettent de penser que de telles affaires resteront intéressantes dans toute l’étendue du Contrôle Civil de Sfax, et de toutes façons, une vérification sera faite dans chaque cas particulier.

En ce qui concerne la réalisation pratique, nous avons déjà dit qu’il faudrait s’armer de prudence, car la mise en route de ces groupements coopératifs va poser une foule de problèmes qui ne seront pas toujours faciles à résoudre : questions financières à régler, répugnance des fellahs pour le Groupement à vaincre, manque d’adaptation de ces mêmes fellahs aux techniques agricoles modernes, etc. Il est certain que ce travail, tout au moins à ses débuts, va demander de la part des Services techniques du ministère de l’Agriculture, un très gros effort.

Nous nous permettons donc de souhaiter tout d’abord que la première tentative soit effectuée à une distance raisonnable de Sfax afin que nous puissions la suivre de très près, ensuite que le programme de mise en valeur soit établi en tenant compte du fait qu’il serait prudent d’attendre les résultats de cette première tentative, et en tenant compte également de nos possibilités de surveillance et de contrôle. A cet égard nous estimons que, pendant les cinq premières années, il ne nous sera possible de nous occuper, annuellement, que de la mise en route d’un seul groupement coopératif. "

Des forages jusqu’à des profondeurs de l’ordre de 2 000 m furent entrepris en 1970 (après l’indépendance) pour puiser l’eau, dont la présence y avait été détectée, afin d’accroître l’alimentation en eau de la ville.


Aux longues périodes de sécheresse, succédaient parfois de dévastatrices inondations. Les oueds débordant, la ville se retrouvait alors les pieds dans cette eau qui lui manquait tant !  Ici, le mercredi 21 octobre 1959  (Photo Marcel Attard)