Vie culturelle et artistique 
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L'harmonie moderne "El Asria"
(photo extraite de "Douce Sfaxite" de Mustapha El Jed)

La troupe tunisienne " Ettadhib ", créée le 7 octobre 1912, ne fut pas autorisée en février 1928, pour des raisons de financement, à faire une tournée en Algérie et au Maroc. Par contre, elle donna les pièces : " Hamlet ", plus une comédie en un acte le 27 janvier 1935, et "Charlotte" le 14 février 1938, au théâtre municipal. Le 9 décembre 1937 elle patronna la troupe " Cheikh Amine El Assanine " ; une chanteuse prévue au programme n’étant pas là, des spectateurs mécontents vociférèrent pour demander le remboursement du prix d’entrée.
 " L’Étoile théâtrale ", autorisée le 21 mai 1932 avec Mohamed Ellouze comme président, avait joué le 31 décembre 1931 le " Marchand de Venise " de Shakespeare au profit des sinistrés des inondations. Au théâtre municipal, elle donna, les 16 et 18 mars 1935, deux pièces intitulées " Kine " et " Dahaye " ; le 7 janvier 1935, " Sajaret Edour ", au bénéfice de la Société musulmane de bienfaisance ; le 22 novembre 1935, " Khalifa Marouane " ; le 5 mars 1936, " Le Roi Alexandre " ; le 19 mars 1938, " Mary Tudor ". Le 25 juillet 1945, elle donna " Le Marché Noir " à la salle des fêtes.

Un groupe de jeunes Tunisiens de Sfax monta la compagnie "Harmonie moderne El Asria", autorisée le 8 mars 1920 et dont les statuts furent modifiés en 1946. Elle donna quelques rares soirées orientales à guichets fermés. Citons par exemple la comédie de Kamoun en arabe parlé "  Oncle Salah "  jouée en mai 1930. Elle fêta son 25e anniversaire le 4 mai 1946, en soirée, porte Sadok Djellouli, et joua la pièce "  Attouba " le 30 décembre 1948 au cinéma "Majestic". Les acteurs partirent en tournée en Tripolitaine du 1er au 30 mai 1950.
Tous ces spectacles furent joués au théâtre municipal.

M. Pierre Humble monta dans les années 1930 le "Théâtre du petit monde", théâtre pour et
par les enfants, et la famille Meert, entre 1925 et 1935, anima un groupement de jeunes qui joua des opérettes, des pièces de théâtre, des revues et anima des soirées poétiques.

Les collèges de garçons et de filles semblaient être une pépinière d'acteurs et d'actrices en herbe. Outre les représentations de comédies et de dramatiques (p.ex. "les Plaideurs" en 1938 par les élèves de seconde), montées avec l'aide d'enseignants férus de théâtre et présentées sur la scène du théâtre municipal, de nombreux spectacles (dont "les Perses" d'Eschyle en 1937) furent joués dans la cour des collèges, généralement en fin d'année scolaire. A noter que les distributions solennelles des prix clôturant les années scolaires avaient pour cadre ce même théâtre.

Les écoliers de Sfax rendent hommage aux provinces françaises.
(Document J.B. Fourtanier)

Les écoles primaires n'étaient pas en reste, et les fêtes des écoles, qui attiraient beaucoup de spectateurs (parents et amis) connaissaient de francs succès. C'est à la suite du "bal des enfants" qui eut lieu le 11 février 1929 dans la salle de l'Adelphie, que le chroniqueur de "La Dépêche sfaxienne" (journal créé en 1894 par M. Jean Revol), M. Bidaud (alias Saint-Just), fit part deux jours après, de vives critiques sur l'état de cette salle, et réclama la construction d'une véritable salle des fêtes qui soit large, éclairée, aérée et décorée. Il semble qu'il fut entendu puisqu'une telle salle fut réalisée et utilisée dès 1936 pour divers types d'activités, artistiques, culturelles ou festives. Belle et fonctionnelle, avec une grande porte d’entrée, de larges escaliers d’accès, d’immenses baies vitrées, des colonnades et une magnifique piste de danse, il sembla aux musiciens utilisateurs que son acoustique n’était pas parfaite

A l'occasion de la grande kermesse du 1er Mai 1954
(Les nouvelles sfaxiennes - n°882 Coll. Ch. Attard)

Un autre haut lieu de l'activité artistique était le kiosque à musique, sis place Jérôme-Fidelle, où se produisaient l'Harmonie sfaxienne, dirigée par MM. Octave Chapotot de 1918 à 1936 puis Jean-Baptiste Fourtanier de 1936 jusqu'à l'indépendance de la Tunisie, ainsi que la fanfare du 4e Régiment de Spahis Tunisiens sous la direction de M. Henri Descarpentries.

Avant 1939, il y avait des concerts un dimanche sur deux (ou parfois tous les dimanches). Ces deux groupements musicaux étaient complémentaires et se produisaient souvent ensemble à diverses manifestations telles que fêtes du 14 Juillet, concours hippiques au champ de courses, ou manifestations sportives au stade municipal du jardin public.

Toujours au chapitre de la musique, citons l'existence d'un orchestre fondé par de jeunes musiciens amateurs, issus pour la plupart de l'Harmonie sfaxienne, appelé les "Happy Boys" qui acquit une renommée tunisienne dès 1935.

Par ailleurs, M. Jean-Baptiste Fourtanier créa en 1933 "l'Orchestre symphonique de Sfax" qui était rattaché à l'Adelphie. Il comprenait environ 30 musiciens dont 15 violons, et sa première sortie eut lieu le 15 janvier 1936 au théâtre municipal, où cette formation prêta son concours à une troupe théâtrale, représentation qui fut un véritable triomphe d'après la presse locale. 
Il créa également un orchestre de jazz dont les
musiciens étaient issus des cours d'instruments donnés dans le cadre de l'école de musique de l'Harmonie sfaxienne.

L'orchestre de jazz de Jean-Baptiste Fourtanier.
(Document J.B. Fourtanier)

En février 1941, donc en plein conflit mondial, mais qui n'avait pas encore touché Sfax, fut inauguré sous le haut patronage de M. Letourneau, directeur de l'Enseignement Public de Tunisie, l'École des Beaux Arts. Les cours étaient donnés par M. Ali ben Salem qui en était le directeur.