La Compagnie des phosphates 
et du chemin de fer de Gafsa
(3)

 Le matériel roulant (suite)

Une Alsthom/Sultzer sur les quais de Sfax.
photo extraite du site : http://www.derbysulzers.com/tunisia.html#1950%20Sfax

En ce qui concerne le S.G., la C.F.T. suivant l’exemple un peu plus tard, le trafic " voyageurs " fut assuré à partir du 9 mai 1946 par quatre autorails diesel électrique Brissoneau et Lotz, immatriculés de H1 à H4. Leur commande avait été, en fait, passée dès 1937 et ils étaient sortis de l’usine de fabrication à Nantes début 1939. Ils furent d’abord acheminés de Nantes à Marseille par le rail, en utilisant de faux boggies (car prévus pour être utilisés sur des voies métriques). Mais le déclenchement de la guerre fit qu’ils furent bloqués à Marseille où, pour ne pas être récupérés par les occupants après le franchissement de la ligne de démarcation, ils furent cachés dans un tunnel sur une voie désaffectée de la région marseillaise. Ils y restèrent jusqu’à la fin du conflit.

La Compagnie du Sfax-Gafsa dépêcha alors à Marseille un de ses contremaîtres, M. Rossignaud, pour superviser leur convoyage du port de Marseille à celui de Sfax sur un liberty-ship, appelé Carthage, affrété à cet usage. Dans le golfe du Lion, ce cargo essuya une terrible tempête. L’arrimage, sur le pont, de deux des autorails situés d’un même côté ayant commencé à céder, le capitaine du navire envisagea très sérieusement de jeter les quatre autorails par dessus bord pour sauver son navire, après en avoir averti M. Rossignaud. Après une dure discussion faisant suite au refus par ce dernier d’une telle solution extrême, le capitaine fit alors effectuer un changement de cap et, après être passé à l’Est de la Corse, puis de la Sardaigne, le Carthage et sa précieuse cargaison touchèrent le port de Sfax. Là, les autorails furent déchargés à l’aide d’un ponton-mâture  habituellement utilisé pour la reconstruction du port, la puissante (60 tonnes) grue flottante du port n’ayant pas une flèche assez haute pour une telle manipulation. Une fois déposés sur des supports roulants adéquats situés sur les rails du quai du commerce, ils purent rejoindre leur dépôt pour la préparation de leur mise en service.

Chacun d’eux était équipé de deux moteurs Diesel de 160 Ch. accouplés à une génératrice B & L. Leur vitesse pouvait atteindre 130 km/h au maximum, mais était limitée à 110 km/h en exploitation courante sur une voie métrique. En 1958 ces quatre autorails avaient parcouru un total de 4 millions de kilomètres.

Devant un des autorails de la série H1-H4 qui vient de parcourir
 1 million de km. 
(Photo Michel Cerato)

 Les draisines (source J-P Vergez-Larrouy)

Draisine d'abord DR2 puis DR36 stationnée devant les bureaux de la mine de Métlaoui.
(Photo Henri Paris-Source voie libre n°17 octobre 2001)

Le matériel roulant de la Compagnie était réparti en deux services : chemin de fer d'intérêt général, et service d'exploitation minière. Les draisines ont essentiellement été utilisées dans la zone minière. 
La première draisine fut commandée en 1903 à la Société De Dion-Bouton, et pouvait transporter 6 personnes. Puis, en 1908 et 1912, la Compagnie du Sfax-Gafsa acheta des draisines à la Société Campagne. C'est auprès de cette même société, qu'entre 1921 et 1923, que le Sfax-Gafsa complétera son parc par l'acquisition de quatre draisines qui furent utilisées pour l'inspection et l'entretien périodique de la conduite d'eau potable descendant du captage de Ras el Aïoun jusqu'à Metlaoui, puis Redeyef et Moularès.

Draisine de luxe DR46 avec ses deux capots typé "Renault" 
stationnée devant les bureaux de la mine de Métlaoui.

(Photo DR la vie du rail - Source voie libre n°17 octobre 2001)

En 1935 fut construit localement, sous la direction de l'ingénieur Bernard Bouzerand, la draisine dite " Bugatti " à partir des éléments d'un locotracteur de mine datant de 1921/22. Cet engin offrait une dizaine de places, et appartenait en propre au service des exploitations minières. Elle resta en service jusqu'en 1951. 

Draisine Bugatti en mars 1949 en gare Philippe-Thomas 
(Photo Henri Paris - Source voie libre n°17 octobre 2001)

En 1936, le parc s'agrandit suite à l'achat à la société (française) Mirenowicz, de la Dr 2 équipée du moteur Renault 4 cylindres de la " Primaquatre ", et d'une boîte de vitesse type automobile avec inverseur de marche. 
Le 23 janvier 1939, la Société Campagne livra deux engins équipés d'un moteur Renault (N° 1788 et 1789). 

Dans les gorges du Seldja, la DR36 en inspection de la conduite d’eau.
(Photo Henri Paris - Source voie libre n°17 octobre 2001)

La 1789 fut reconstruite par Campagne sous le numéro de construction DC4030 et fut livrée le 26 décembre 1945, se voyant alors attribuer le numéro matricule Dr 46. Peu après, la Dr 2 fut numérotée Dr 36. 
A cette date, tout le matériel des origines semble avoir disparu, à l'exception d'une draisine Campagne des années 20, qui servait à l'inspection de la conduite d'eau potable longeant la voie ferrée dans les gorges du Seldja. 
Peu confortable et fiable, elle fut réformée en 1950.

Une DR36 photographiée par Gilbert Bacquet en 1949.

De 1949 à 1953 furent livrés des " quadricycles d’inspection " par la Kalamazoo Manufacturing Company de Michigan (USA). Cette même année 1953 le Sfax-Gafsa mit en service un engin rail-route qui n’était autre qu’une jeep Willys bricolée en France, et qui était immatriculée 4903 TU 9.

Cette photo montre que des jeeps modifiées circulaient aussi en Italie,
 mais sur des voies à écartement standard.

(Photo Marcel Le Guay - Source voie libre n°17 octobre 2001)

La Dr 54, affectée au service des exploitations et livrée en 1954 par  Mirenowicz, était plus confortable et plus puissante que la Dr 36 dont elle dérivait.
Pour le service " lourd ", la Compagnie, qui pour une fois ne fit pas preuve d’originalité, commanda une draisine classique à la Société Billard (type D50D), mais qui fut unique en son genre et dénommée D50D 5/6. Elle fut livrée le 30 juillet 1955, et était équipée d’un robuste moteur Panhard type 4HL.
Deux autres draisines Billard furent réceptionnées le 13 mars 1958, pour la première, et la seconde en 1962.