La Compagnie des phosphates 
et du chemin de fer de Gafsa
(4e partie et fin)

 Les ateliers

Pour assurer la maintenance de tout ce matériel roulant existaient plusieurs ateliers (chaudronnerie, ajustage, fonderie, menuiserie, forges, soudure autogène, embattage, ateliers des tubes, montage) situés dans une zone comprise entre la mer, à l’est, le stade Ceccaldi, au nord, la rotonde du dépôt avec sa plaque tournante, au sud, et la route de Moulinville, où se trouvait l’entrée principale, à l’ouest.

On y trouvait aussi le magasin général, grand entrepôt divisé en zones de stockage séparées par des allées de circulation, où étaient entreposées, en fonction de leur nature, les pièces et les matières spécifiques à l’équipement du matériel roulant. Elles étaient mises à la disposition des demandeurs au fur et à mesure de leurs besoins. Dans ce grand local se trouvaient aussi deux salles spéciales : dans la première était situé le bureau des distributeurs ; la deuxième servait au stockage des imprimés et des produits précieux. Les pièces lourdes et encombrantes (rails, éclisses, traverses….) étaient stockées à l’extérieur sur des aires desservies par des voies. 
Proche du magasin il y avait le bureau des approvisionnements. Le personnel qui y travaillait était chargé de la reconstitution des stocks au moment opportun et avec des moyens appropriés. Certains de ces ateliers furent transformés pour être adaptés à l’entretien des nouvelles locomotives diesel électriques acquises au début des années 1950, en remplacement des locomotives à vapeur.

Les ateliers. 
Toutes les photos de cette page sont d' A.Perrin, extraites de :
" Le réseau de la Cie des phosphates et du chemin de fer de Gafsa"

 Le Sfax Gafsa pendant le deuxième conflit mondial

Voyons maintenant comment la Compagnie a vécu la période de la guerre. D’une manière générale, de juin 1940 jusqu’à la fin de 1943, se posa le problème de l’approvisionnement en combustible des locomotives à vapeur. Les dirigeants firent d’abord appel aux lignites d’Oum Douil dans le Cap Bon. Le résultat fut catastrophique, car ce mauvais charbon se transformait en une grosse galette qui étouffait le feu dans la chaudière, ce qui entraînait l’arrêt du train faute de vapeur dans les cylindres. Les retards pouvaient alors atteindre 4 à 5 heures.

L’alfa fut ensuite essayée, et vite abandonnée de par son faible pouvoir calorifique. Malgré des quantités très volumineuses de cette herbe stockées derrière chaque locomotive, on n’obtenait pas suffisamment de pression de vapeur, et les trains avaient toujours du retard.

La Compagnie acheta alors une importante coupe de bois dans la région de Thelepte – Kasserine, le bois arrivant à Sfax par trains entiers. Il fallut confectionner de grosses scies circulaires, que l’on installa près du dépôt des machines, en bord de mer, pour débiter les troncs de façon à obtenir des bûches de longueur adéquate. Cette solution fut la bonne.

Lors de l’invasion de la Tunisie en novembre 1942, par les troupes germano-italiennes, la plus grande partie du matériel roulant (locomotives et wagons) fut rapprochée de la frontière algérienne, pays où les Alliés avaient pris position. Cela diminua les moyens de transport pour les troupes de l’Axe le long du littoral tunisien, celles-ci butant sur la dorsale tunisienne où la résistance s’était organisée. Aux mécaniciens et chauffeurs, peu nombreux, restés à Sfax et qui traînaient les pieds pour assurer du service, les occupants opposèrent immédiatement la force, en installant sur les tenders des locomotives, trois ou quatre soldats, arme au poing. Obligés de s’exécuter, les cheminots trouvèrent toujours de bonnes raisons pour arrêter les convois, ce qui occasionnait des retards importants. M. Pierre Louvel, directeur administratif pendant cette période, eut une attitude irréprochable face à l’occupant.

En ce qui concernait la réparation du peu de matériel resté sur place, le prétexte du manque de pièces de rechange, et de l’outillage perdu dans les bombardements (en particulier lors de celui du 15 décembre 1942 qui vit l’atelier de réparation partir en fumée sous les bombes de l’aviation anglaise), augmentait de beaucoup le temps nécessité. Du sel fin était même introduit dans les cylindres. Tout était donc bon pour retarder la sortie d’une locomotive immobilisée.

Les deux plaques tournantes ayant été détruites par les bombardements, les Allemands avaient construit une bretelle, longeant les habitations du début de la route de Mahdia, reliant entre elles la voie allant vers le sud et celle partant vers le nord. Quand une locomotive l’empruntait, elle était toujours attelée à un wagon plate-forme portant un affût de D.C.A. (pom-pom quadruple). Après la libération elle ne resta en service que le temps nécessaire au remplacement des plaques tournantes.

Les bureaux de la Compagnie avaient été déplacés dans un immeuble situé en face de l’école de Moulinville, pour être un peu plus à l’abri des bombardements alliés. Les informations émises par les Alliés étaient captées à l’aide d’un poste de radio tous courants, installé à l’usine Rogopoulos, sur la route de Gremda. Elles étaient alors dactylographiées et circulaient dans Moulinville où habitait la majeure partie des Européens travaillant au S.G.. Mais un jour la police locale demanda un peu de discrétion et de prudence, car elle avait eu vent de certaines réflexions au niveau de la Kommandantur.

Le personnel de l'atelier d'ajustage

 Remarque concernant les personnels


Vers
M. Laubrot
M. Louvel

L'équipe de Direction

D’une manière générale, tous les directeurs administratifs étaient des Français : nous citerons, pour la partie chemin de fer, MM. Durandeau, Vandeur, Louvel, Laubrot et Segretain pour la période 1930-1956. Il en allait de même pour les ingénieurs du matériel et de la traction, ainsi que pour les chefs des principaux services. On trouvait des employés français comme tunisiens dans des bureaux, ainsi que dans les magasins et ateliers. D’autres, travaillant sur le matériel roulant, étaient chauffeurs de locomotive, et même mécaniciens.

Le personnel de l'atelier de montage.

Après de farouches luttes syndicales, les personnels statutaires français du Sfax-Gafsa et de la C.F.T. ont obtenu la parité des salaires avec ceux de la S.N.C.F. Les retraités ont bénéficié des mêmes pensions que leurs camarades de la Métropole qu’ils avaient rejoints quand la Tunisie nationalisa les chemins de fer, quelques années après l’indépendance. C’était une différence appréciable par rapport à la situation qui fut réservée au personnel des mines.

 Conclusion

Par son activité, la Compagnie des phosphates et du chemin de fer de Gafsa, a donné un puissant élan à l’évolution, à l’accroissement, et à l’épanouissement de la ville de Sfax.