SFAX pendant la Seconde Guerre mondiale
- La libération -


Après leur défaite à El Alamein, les troupes de l’Axe poursuivies par les troupes alliées, refluèrent sur la Tripolitaine puis la Tunisie. Les premiers fuyards (surtout les Italiens) prenaient et réquisitionnaient tout. L’état-major allemand intervint même pour ramener le pillage à de plus justes mesures.

Le jour de janvier où les forces anglo-américaines venant de l’ouest firent leur jonction avec la 8e Armée britannique, le lieutenant-colonel Claus Schenk von Stauffenberg supervisait la retraite vers Sfax d’un convoi allemand qui fut attaqué par une escadrille de chasseurs-bombardiers américains. Comme la plupart des véhicules du convoi, le sien fut atteint par le tir des aviateurs. Le lieutenant-colonel fut retrouvé à demi conscient et gravement blessé prés de son véhicule brûlé et renversé. Il fut évacué sur l’hôpital de Sfax où il reçut un traitement d’urgence. Sa main droite fut amputée au dessus du poignet. Le petit doigt et l’annulaire de sa main gauche, et ce qui restait de son œil gauche furent enlevés.

Rapatrié en Allemagne et promu colonel, il put, du fait de ses états de service et de son handicap, approcher Hitler. Lors de l’attentat perpétré contre ce dernier le 20 juillet 1944 dans son QG de Wolfsschanze près de Rastenburg, c’est lui qui déposa la mallette pleine d’explosifs sous la table autour de laquelle se tenaient les participants. Il sortit peu avant l’explosion qui fit quatre morts, mais à laquelle Hitler survécut. Ce dernier fit réunir une cour martiale qui condamna à mort les meneurs, dont le colonel von Stauffenberg, et qui furent tous fusillés.

Les habitations encore debout dans la ville européenne ayant été désertées par leurs habitants, les Allemands, travaillant avec beaucoup plus de méthode, déménagèrent les riches demeures israélites. Le général Rommel séjourna à la propriété " Belgica " à quelques kilomètres au sud de Sfax (entre les routes d’Agareb et de Gabès) à partir du 24 février 1943. Il allait souvent sur le front, mais il avait aussi un pied-à-terre occasionnel à Sfax craignant pour sa sécurité (écouter ici le témoignage de M. René Mathieu). Il quitta la région le 11 mars au matin en compagnie du maréchal Kesserling. 







Claus Schenk von Stauffenberg

Le Maréchal Kesserling



Après la chute de la ligne Mareth entre les 21 et 28 mars 1943, les troupes de l’Axe, ayant déjà laissé 6 000 prisonniers aux mains des Alliés, essayèrent de résister au niveau de l’oued El Akarit. Les troupes britanniques attaquèrent dans la nuit du 6 au 7 avril, et le 8, avec la jonction des troupes britanniques et américaines, tout était fini dans ce secteur. Les troupes ennemies avaient subi de lourdes pertes, et 7 000 soldats supplémentaires furent faits prisonniers. 




Patrouille sur la ligne de Kasserine.



La route de Sfax était dès lors dégagée. Les occupants qui avaient commencé à abandonner la ville en faisant sauter des sites qu’ils estimaient stratégiques, accélérèrent le mouvement en plus ou moins bon ordre, et les sabotages allèrent crescendo : les installations portuaires (déjà grandement touchées par les bombardements), le frigorifique des abattoirs, l’Air Liquide, le pont de l’oued Agareb, l’usine Busuttil et les lignes téléphoniques en furent entre autres victimes. 

La voie de chemin de fer de Sfax à Gafsa passant sous 3 ponts routiers au milieu du cimetière arabe, les Allemands avaient placé 18 tonnes d’explosifs sous chacun d’eux. Les 8 et 9 avril un officier allemand avait fait le tour de toutes les habitations sises dans un rayon d’un kilomètre autour de ces ponts avec un diagnostic " maison kaput " faisant froid dans le dos. Heureusement pour les habitants concernés les deux soldats tchèques, sans doute enrôlés de force, chargés d’appuyer sur le détonateur allèrent, dès que plus un Allemand ne fut en vue, attendre l’arrivée des Alliés sur les marches de l’école franco-arabe de Moulinville où était installé le contrôle civil. 

Attente de courte durée car Sfax fut libérée le 10 avril 1943 à 8 h 15 par la 50e division écossaise du général Less, faisant partie de la VIIIe armée britannique du général Montgomery. Avec eux, il y avait le colonel Schmeltz commandant du 4e spahis, et le capitaine H. Gantes (ancien contrôleur civil adjoint). 
Malgré tous les bombardements alliés qu’ils avaient endurés, les Sfaxiens leur firent un accueil triomphal. Le 12 avril le général Montgomery, reçu par M. Gantes (qui avait repris ses fonctions au contrôle civil) et M. Louvel, vice-président de la Municipalité de Sfax, passa en revue les troupes au champ de courses de la route de Mahdia dont la tribune, encore bourrée d’armes et de munitions, n’avait pas sauté. Quand les troupes défilèrent, ce furent à la demande de " Monty ", les soldats de la 1ère section du 1er bataillon français du Pacifique qui étaient en tête : honneur qui fut apprécié à sa juste valeur. Le 4e Spahis regagna Sfax le 24 avril.



Défilé de la victoire à Tunis le 20 mai 1943



Fausto Coppi

Dès la libération de Sfax de nombreux jeunes se sont engagés dans les forces françaises libres ou dans l’armée d’Afrique avec qui ils participèrent activement aux campagnes qui conduisirent à la libération de la France.
Il faut signaler ici le rôle du 4e RTT lors de la campagne d’Italie, enlevant de haute lutte mais avec de lourdes pertes, la position stratégique " le Belvédère ", ouvrant ainsi aux troupes alliées la route de Rome. Certains de ces jeunes engagés et d’autres soldats tombèrent au champ d’honneur et ne revinrent hélas pas. La campagne de Tunisie prît fin le 11 mai 1943, à 20 h15  avec la reddition de 150 000 combattants germano-italiens, dont le champion cycliste italien Fausto Coppi et 12 généraux, pris dans la nasse de la presqu’île du Cap Bon.



Aviateur allemand fait prisonnier
 en Tunisie.
(Source USF40-Coll. Ch. Attard)

Couverture d'un tract américain.
 (Source USF40-Coll. Ch. Attard)


Sfax retrouva de l’animation et les activités reprirent en dépit des rationnements dus au retour progressif des approvisionnements de la ville. Les habitants du centre ville dont les demeures étaient encore debout les réoccupèrent après y avoir été autorisés par le bureau des logements de la Municipalité. Des jeunes gens recommencèrent à aller se baigner sur les plages et même dans le port malgré les dégâts subis par ce dernier. Dès l’été 1943, des jeunes Sfaxiens partirent en train pour aller en colonie de vacances aux alentours d’Aïn Draham. Cela aurait pu présenter un certain danger : un train en route pour Tunis ne fut-il pas dépassé par 8 biplans italiens volant en rase-mottes dont, heureusement, il ne constituait pas l’objectif assigné pour leur mission. Les réservistes furent remobilisés, et les cours reprirent dans les établissements scolaires dès le mois de mai.


La Highland division resta longtemps à Sfax pour encadrer les 20 000 travailleurs qui suivaient la VIIIe Armée. Ces derniers remirent beaucoup de choses en état de marche, et il y avait énormément à faire, ils commencèrent par ce qui avait avant tout un intérêt stratégique, à savoir les infrastructures routières, ferroviaires et portuaires. Ils s’occupèrent donc de la remise en état des voies ferrées, des ateliers et des plaques tournantes pour les locomotives. Ils désobstruèrent le chenal d’accès au port, enlevèrent les ruines des appontements de l’alfa et du M’Dilla. Cela permit très rapidement aux navires alliés utilisés pour préparer l’expédition en Sicile de transiter par Sfax. L’alimentation en courant électrique fut progressivement rétablie. En ce qui concerne l’eau, qui depuis le 14 avril 1914 arrivait à Sfax en provenance de Sbeïtla située à 170 km, dès que les Alliés furent aux deux extrémités de la conduite, il n’y eut plus de problèmes majeurs. 



Les ruines de l’ancien r'bat ayant été déblayées, on put dès lors envisager la reconstruction du centre ville suivant un nouveau plan d’urbanisme.





Le 11 avril 1954 - Sfax fête le dixième anniversaire de sa libération.