La prise de Sfax par Dick de Lonlay
dans "Les marins français" . Éditions Garnier frères - Paris 1886



Le 28 juin 1881, la population musulmane de Sfax, se révolte. Notre agent consulaire, M. Mattéï, est entouré par une foule furieuse; un coup de bâton lui brise le bras droit; enfin, il parvient à se jeter à la mer et à atteindre la baleinière de la canonnière le Chacal qui le recueille à son bord.
Cette insulte au pavillon français demande un châtiment exemplaire. L'amiral Cloué, ministre de la marine, donne l'ordre à l'escadre de Méditerranée, que commande l'amiral Garnault, d'appareiller pour Sfax, devant laquelle croise déjà la division cuirassée du Levant, sous les ordres de l'amiral Conrad.

Le 15 juillet, le bombardement de la cité rebelle commence. Le 16, les compagnies de débarquement du Colbert, de la Revanche, du Friedland, du Trident, de la Surveillante, du Marengo, de la Galissonnière, de l'Alma, de la Reine-Blanche, montent dans leurs canots armés en guerre. A l'avant des embarcations, sont installés des canons-révolvers Hotchkiss.
En tête, les baleinières du commandant de Marquessac, du commandant supérieur Marcq de Saint-Hilaire, du commandant Maréchal.
Les canots sont déjà près du port. Soudain le drapeau vert de la révolte paraît sur la batterie rasante. Les Arabes, retranchés derrière cette batterie et des ballots d'alfa, ouvrent un feu très nourri.

On accoste ; Un enseigne de vaisseau du Trident, l'intrépide Couturier, qui a déjà été blessé et décoré en Cochinchine en 1873, paraît le premier sur l'épaulement de la batterie et renverse d'un coup de pied un arabe qui le manque à bout portant et que les marins achèvent à coups de baïonnette.
A ce même moment, le fusilier breveté Martin amène l'étendard vert, et un quartier maître plante le pavillon tricolore du canot du Trident.

Les marins de la Surveillante arrivent bientôt sous les ordres du lieutenant de La Motte, puis les autres compagnies.
On se lance au pas de course sur la porte de la ville franque, qu'un pétard fait sauter. Chaque maison est enlevée d'assaut. Les matelots armés de haches, brisent les serrures; quand celles-ci résistent, on fait donner le corps de débarquement des torpilleurs.
Cette petite troupe, sous les ordres du lieutenant de vaisseau Lafont, du Colbert, s'engage dans la Strada-Reale et arrive devant la porte de la Kasbah. Derrière cette porte, quarante Arabes attendent. Aussitôt que nos matelots ouvriront les battants, ils feront feu. Mais ils ont compté sans les pétards.

Une torpille est fixée au battant de fer, on déroule cinquante mètres de fil et la porte vole en éclats. Il a suffi de presser le bouton de la pile. Les quarante Arabes sont écrasés, broyés, en lambeaux.
La guerre des rues recommence dans la ville arabe.

L'aspirant de 1re classe Léonnec est mortellement frappé d'une balle en pleine poitrine, en voulant s'emparer d'une maison qu'on est obligé d'enfumer avec des bottes d'alfa pour en faire sortir les Arabes qui la défendent.

A droite de la ville, les compagnies du Trident et de la Surveillante enlèvent à la baïonnette le grand magasin d'alfa. Là, un brave matelot, Sébastiani, abat successivement deux Arabes, dont l'un va frapper d'un coup de sabre le commandant Maréchal.
A dix heures du matin, tout est fini. Le Pavillon français flotte sur les remparts et les mosquées.