Les origines de SFAX
(Référence Mohamed Masmoudi - 1980)






A 11 km au nord de Thyna, la célèbre carte itinéraire, dite Table de Peutinger, remontant au Bas-Empire romain, mentionne l'existence d'une ville romaine nommée Taparura. Des vestiges punico-romains, découverts dans les années 1960, dans les environs de Sfax, vinrent confirmer ce document.




En tant que ville arabe, Sfax est mentionnée par Ibn Hawqal dans son célèbre livre de la représentation de la Terre achevé en 977, puis par El Bekri qui vécut au XIe siècle.

Ces auteurs signalent la prospérité de Sfax. La ville est décrite comme entourée de remparts englobant l'ancien ksar et la Casbah, en bordure d'une mer peu profonde et peu agitée, mais très poissonneuse. Son port est bien abrité. La présence d'une forêt d'oliviers fait qu'on y produit une huile d'olive de très bonne qualité.






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Tirée de l'ouvrage de Charles Lallemand  : 
"La Tunisie, Pays de protectorat français". Lib. Imp. Réunies, Paris (1892).



Les remparts, à l'origine en pisé, avec des pierres de taille aux encoignures pour les renforcer, et peints en blanc, ont été construits sous le règne d'Ahmed Ibn El Aghbal (856-863) par Ali Ibn Salem, cadi de Sfax. Le " ribat " (fort) construit au VIIIe siècle se trouvait dans l’enceinte ainsi délimitée, à l’emplacement de la Casbah actuelle. Deux portes permettaient d'accéder à la ville : Bab el Bahr (porte de la mer, maintenant Bab Diwan) et Bab Djebli.





Le coup de canon du Ramadan !
(CPA LL n°112 - Coll. Ch. Attard)



Mais d'où vient ce nom de SFAX ?



Carte de Roux

En 1764, le carthographe du Roi, Joseph Roux édite des plans des principaux ports de Méditerranée. Sfax y est nommée Facs.
(Recueil des principaux plans des ports et rades de la Mer Méditerranée estraits de ma carte en douze feuilles, dédiée à Mons.gr le duc de Choiseul,
ministre de la guerre et de la Marine, gravée avec privilège du Roy, par son très humbre serviteur Joseph Roux Hidrographe du Roy à Marseille, 1764.)




Des légendes locales, reposant sur des calembours, ont été inventées après coup pour justifier l'origine d'un nom que l'on ne peut expliquer avec les ressources de la langue arabe. 
L'une d'elles repose sur l'intérêt psychologique s'attachant
aux remparts de la ville. Le gouverneur de celle-ci, nommé Sfâ s'en serait allé voir le Sultan de Mahares dont il dépendait, afin de lui demander que la ville soit fortifiée pour se protéger des incursions des pillards. Sur une peau de bœuf séchant au soleil, il aurait tracé le plan des fortifications. Sur quoi le Sultan aurait tendu une paire de ciseaux au gouverneur en lui disant :<< Sfâ qoçç ! >>, c'est à dire : Sfâ coupe !

Pour aussi jolie qu'elle soit, elle n'est pas retenue par  A. Pellegrin dans son "Essai sur les noms de lieux d'Algérie et de Tunisie : étymologie et signification"(1949). Se basant sur les écrits de Idrissi (XIIe Siècle) disant que les habitants du Soûs occidental (Berbères Masmoudis) s'entourent le milieu du corps du "mizar" de laine qu'ils appellent "asfaqis", il a cherché sa signification étymologique dans des publications sur la langue berbère. Fkas voulant dire "se ceindre" et afkasé "ceinture", il en arrive à la conclusion que les habitants (d'origine berbère) de cette ville entourée de remparts, lui ont donné le nom de "Sfaqes"(Sfax), c'est-à-dire "celle qui est ceinte de remparts"


Pour en revenir à l'histoire de la ville, on constate qu’elle eut à subir, au milieu du XIe siècle, les méfaits dus à l’invasion des Banou Hilal  et des Banou Sélim , ce qui favorisa la prise de pouvoir d’Ibn Melil de 1067 à 1099 ; qu'elle fut occupée par les Normands de 1148 à 1156, puis qu'elle fut dans le giron des Almohades de 1159 à 1198, des Almoravides, puis des Hafsides de 1207 à la fin du XVIe siècle, à l’exception de deux intermèdes : 1282-1284 pour le premier, et 1356-1394 pour le second.

Au fil des siècles, l’enceinte fortifiée, longue de 600 m et large de 400 m, entourant la ville, fut consolidée, flanquée de tours hérissées de créneaux et, si l’on se réfère à une inscription que l’on pouvait lire au-dessus de " Bab el Bhar ", en 1306 les remparts avaient l’aspect que l’on connaît aujourd'hui, à l'exception du bastion de Borj En Nar et de trois tours disparues. C’est en cette même année 1306 que la forêt d'oliviers fut dévastée par les Arabes.

La conquête de Sfax en 1551 par Dargouth Pacha, puis sa reconquête en 1588 par Tunis, la firent passer dans le giron des Ottomans. Il s’en suivit une période de stabilité et de prospérité relatives qui dura du XVIIe jusqu’en 1864.




L'autre monument important de la ville, la Grande Mosquée fut fondée en 840. Entièrement construite en pierre et contenant un grand nombre de colonnes de marbre et de granit d'origine romaine, elle occupe un espace rectangulaire. Son minaret est fait de trois tours superposées dont chaque étage est bordé d'un crénelage décoratif. Durant son règne (1067-1099), Ibn Melil y fit d’importants aménagements. Elle sera restaurée et remaniée en 1757.





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Dans la médina, enserrée dans ses remparts séculaires, aux rues étroites et à angle droit, les commerçants s'installaient dans des rues qui portent encore les noms de leur corporation : rue des Forgerons, rue des Teinturiers, rue des Bijoutiers, souk des Étoffes...

La rue des Forgerons
Tirée de l'ouvrage de Charles Lallemand  : 
"La Tunisie, pays de protectorat français". Lib. Imp. réunies, Paris (1892).
(voir ici ou cliquer sur le dessin)




On pouvait voir, dès le XVIIIe Siècle, qu’une ceinture de jardins entourait la ville alors que se développait un faubourg côté mer.
En effet, la ville se trouvant à l’étroit dans ses remparts, naquit en 1775 autour de la porte de la mer (bab el bahr) ce que l’on appela le " R’bat ". La mosquée Hamouda Sellami y fut édifiée en 1779. 
Suite à une épidémie de peste et à la guerre avec le gouvernement de Venise, il fut déserté par ses habitants autochtones et fut alors occupé par des Européens désireux de s’installer, durablement ou non, à Sfax. Outre sa dénomination tunisienne, on le désigna aussi sous les vocables de " quartier Franc " ou " quartier de la Marine ". Les murailles qui l’enserraient, avaient, côté sud, la mer à leurs pieds et c’est sur cette façade maritime qu’avaient été installées deux batteries (dites rasantes) de canons. La plus importante était appelée batterie de la Quarantaine, sans doute à cause de la présence d’un lazaret construit dans son voisinage en bord de mer (au niveau de la porte Cherki de l’enceinte du quartier franc).







Avant l’établissement du Protectorat en 1881, des ressortissants de diverses communautés non musulmanes étaient déjà établis à Sfax et, pour certains, y avaient édifié des lieux de culte.