SFAX pendant la Seconde Guerre mondiale




(Photo prise par un soldat allemand - Coll. Ch. Attard)



De la déclaration de guerre à l’Allemagne par la France, la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande le 3 septembre 1939 jusqu’à l’armistice signé à Rethondes le 22 juin avec les Allemands, et le 24 à Rome avec les Italiens (ils avaient déclaré la guerre à la France le 11 du même mois) des Sfaxiens en âge de combattre ont été mobilisés. Certains sont restés sur place (ligne Mareth notamment, voir carte au sud de Gabès) et d’autres ont participé à la Campagne de France. Parmi ces derniers, il y eut quelques victimes et des prisonniers, et d’autres ramenèrent des citations avec remise de croix de guerre.




Les Français avaient disposé un champ de mines, à quelques milles des îles Kerkennah, pour protéger l’accès du port de Sfax. Entre le 13 et le 16 juin 1940 (date de son arrivée planifiée à Sfax), le sous-marin " Morse " sauta sur l’une d’elles au niveau de la 7e bouée du banc des Kerkennah, et fut déclaré perdu corps et biens le 17. Onze corps, dont trois purent être identifiés, furent retrouvés à partir du 25 juin.
L’épave fut relevée en 1956, et un hommage solennel fut rendu aux 53 membres de son équipage, le 24 janvier 1957, au cimetière de Sfax (route de Gabès), devant le monument érigé au dessus du caveau collectif. Ce monument a été ultérieurement transféré au cimetière militaire français de Gammarth. Les noms des trois victimes identifiées (enseigne de vaisseau de première classe Gacquières, matelots André Levoeux et Henri Danraud), qui purent donc avoir une sépulture individuelle, ne figurent pas sur la stèle qui, comme on peut le constater, n’en comporte que quarante neuf.





Le monument dédié à l'équipage du sous-marin Morse.
(Photo ch. Attard)




Les combattants démobilisés ont regagné leurs foyers à Sfax. Même si les troupes germano-italiennes parties de Tripolitaine allèrent jusqu’en Égypte où elles furent arrêtées le 23 octobre 1942 à El Alamein (lors de cette bataille la 1ère division française libre, présente en Erythrée dès février 1941, prêta main forte aux anglais du Général Montgomery), la guerre n’avait pas encore vraiment touché Sfax.






Pourtant, suite à l’anéantissement total, entre 2 h 20  et 3 heures du matin le 16 avril 1941, au large des îles Kerkennah, d’un convoi de 5 cargos (4 allemands et un italien) et des 3 contre-torpilleurs d’escorte italiens, on pouvait voir, sur les plages ou dans le port, les corps de marins allemands ou italiens, et peut-être aussi de quelques-uns des 41 morts du seul destroyer anglais coulé lors de l’engagement. La marine et l’aviation britanniques basées à Malte attaquèrent le long des côtes tunisiennes d’autres navires de l’Axe, isolés ou en convoi, allant à Tripoli ravitailler leurs troupes.
 
A l’aide d’un poste de radio clandestin M. Henri Gantes, contrôleur civil adjoint, renseigna les britanniques, ce qui permit d’envoyer 22 navires par le fond. 

Toujours cette même année eut lieu l’affaire du " Florida ". Ce navire, chargé de produits inflammables (bois et autres), avarié lors d’une attaque en mer, fut autorisé à entrer au port de Sfax.
Lors d’une première attaque aérienne britannique, ce fut le " Rabelais ", vapeur battant pavillon français et amarré au même quai, qui fut légèrement atteint causant la mort de deux marins.



Le Rabelais

Le "Rabelais" à quai à Sfax
(Photo coll. Famille Leroux)




De nombreux Français en poste à Sfax eurent, pour cause de leurs opinions ou autres motifs, à subir les attentions du régime de Vichy qui les révoqua de leurs fonctions.

C’est le débarquement des américains au Maroc et en Algérie le 8 novembre 1942 qui fut à l’origine de ce qui allait être le martyre de Sfax. 
Les Italo-allemands tenant une tête de pont à Tunis, y envoyèrent des renforts dans le but d’occuper la Tunisie. 




Entrée Italiens


Entrée des forces italo-allemandes dans Sfax
(Photo prise par un soldat allemand - Coll. Ch. Attard)




C’est ainsi que le 21 du même mois, en fin d’après midi et venant du nord, les troupes italiennes suivies par les allemandes entrèrent à Sfax. 
Avant leur arrivée, une grande drague avait été sabordée en travers du chenal d’accès au port, ce qui rendait ce dernier inaccessible aux navires d’un tirant d’eau supérieur à 3 m. 



Le régiment du 4e RTT (4e Spahis) avait, quant à lui, quitté son casernement avec armes et bagages le 10 novembre pour prendre position, sous les ordres du colonel Schmeltz, dans la dorsale tunisienne sur la ligne Bou Arada/Djebel Mansour, face aux Allemands. Ces derniers ne purent jamais la franchir. 
Le général Imperiali, commandant en chef des troupes italiennes installa son quartier général dans l’hôtel des Oliviers., et la kommandantur prit possession d'une maison non loin du rond-point de Picville.





(Photo prise par un soldat allemand - Coll. Ch. Attard)




Pour les Sfaxiens débutèrent alors les restrictions de circulation, et des mesures anti-juifs furent prises. Cela commença par la réquisition des moyens de transport, puis des appareils de radio. Des maisons furent réquisitionnées et leurs habitants expulsés. 
Les Allemands, représentés à Sfax par l'Oberscharfuhrer Best et le Sturmscharfuhrer Jensen créèrent une représentation juive siégeant auprès d’eux dans un lieu appelé l’usine Halfon, et, après avoir institué le port de l’étoile jaune, ils demandèrent à ce comité de mobiliser en permanence  100 travailleurs juifs pour le déchargement des véhicules militaires, la construction d'abris et les faire travailler à la réparation des dégâts causés par les bombardements. Le comité juif appela à ces tâches les pauvres qui étaient rémunérés par lui, cent francs par jour. 
En plus des pillages effectués dans les habitations des membres de cette communauté, abandonnées, vu le danger lié aux bombardements, la population juive fut condamnée à payer une indemnité de plusieurs millions de francs.
Les allemands voulurent également réunir tous les hommes valides en camp mais il leur fut avancé que les risques d'épidémie étaient trop important et ils renoncèrent à cette mesure.
Le 26 mars 1943, la communauté juive se vit imposer une amende de 15 millions de francs, suivie d'une autre de 20 millions début avril. Ces amendes furent payées avec l'aide de la Caisse foncière débloquée sur ordre du résident général Estéva. 
Début avril 1943 tous les juifs de 20 à 40 ans furent rassemblés à l’usine Halfon, avec de la nourriture, des souliers et des couvertures. Le navire allemand qui devait les emmener en Europe n’étant pas venu, les Allemands partirent fort heureusement sans plus s’occuper d’eux. Quand on connaît le sort qui fut réservé à leurs coreligionnaires des pays européens occupés, ils ont eu de la chance.

Les troupes alliées s’organisaient en Algérie et c’est ainsi qu’un train transportant des troupes allemandes de Sfax à Gafsa fut attaqué par les troupes françaises du 3e Chasseurs puis, au retour, par les avions américains. 
Si de nombreux soldats allemands y laissèrent leur vie, Sfax déplora ses deux premières victimes civiles : le mécanicien français et le chauffeur tunisien de la locomotive.